Au début, lorsque j’ai commencé à lire Contre-nuit de Lucien Raphmaj, je prenais cette lecture bien trop au pied de la lettre. Je ne le lisais que la nuit, y cherchant le spectacle fantoche du livre qui n’est pas celui-ci. Car Lucien Raphmaj ne propose pas avec ce livre une simple exploration de la nuit et encore moins sa défense. Ce n’est pas simplement un manifeste pour renverser les veilles valeurs qui continuent à s’imposer, mais un cheminement qui se diffuse lentement pour mieux propager sa nécessité. J’ai d’ailleurs lu cette Contre-nuit de manière très lente, parfois en laissant l’infusion se diluer parmi d’autres lectures plus ou moins heureuses.
Mais maintenant que j’ai refermé le livre, qu’il est posé à côté de mon ordinateur sur lequel j’écris ces lignes, il brille par la justesse du vécu qu’il m’a apporté. À travers ses six cercles/ciels, j’y ai retrouvé l’essentiel, ce qui fait persister mon goût pour la littérature et la réflexion. Lucien Raphmaj a d’abord été pour moi une personne qui fut prescripteur, me faisant découvrir des livres auquel je n’aurais jamais porté attention. C’est un lecteur et il partage cela avec une grande acuité, sans concession ni pédantisme. Son travail porte en lui le germe de ce qu’il faudrait défendre pour redonner sens à l’écriture et à la lecture.
Contre-nuit se compose dans une pluralité de formes qui m’a permis une immersion profonde, évitant la sécheresse d’un propos philosophique ou le brouillard d’une fiction vaporeuse. Ce livre ne se décrit pas et ne se range pas dans tel ou tel rayon de bibliothèque. C’est un livre de lecteur qui réfléchit au sens important que possède la nuit et l’imaginaire. Il insuffle une radicalité face au sabotage organisé et systémique de notre rapport au monde et vient apaiser nos fragilités. Dans une époque qui connaît désormais ce qui peut détruire, exterminer et anéantir, ce que dit Lucien Raphmaj libère des forces nouvelles dont il ne s’accapare pas la matrice.
Contre-nuit est un livre ouvert autant par les multiples voix qu’on y entend que par sa destination libre. Ce n’est pas seulement le livre d’un auteur venant proférer sa parole, mais le livre que chaque personne fragilisée par la société a écrit intiment en lui. Je me plais à l’imaginer ainsi. Mon cheminement de réflexion m’amène à trouver dans Contre-nuit une ligne parallèle, comme un compagnonnage ouvert à toustes et sans aucune hiérarchie. Lucien Raphmaj y construit un accès aux désirs profonds de notre imaginaire. Ce livre est désormais une porte ouverte à bien plus qu’une œuvre et restera parmi mes livres comme bien autre chose qu’un objet de distinction sociale ou de renfermement sur soi : un livre au-delà du livre.
La vie sans principe 