Let Olivier Brossard

Ce qui surprend tout de suite avec le premier recueil d’Olivier Brossard est son titre, Let, mot qui fait référence au tennis, mais qui résonne à double sens dans sa traduction de l’anglais. Let est un nom qui désigne l’immobilisation, l’arrêt après une faute dans le cas du tennis. À l’inverse, le verbe let incite à l’écoulement, à la continuation, comme dans cette interjection que je me lance à moi-même pour me motiver « let’s go ! ». Ce livre se construit alors dans ce double mouvement. On trouve dans ce livre surtout un rapport à l’échange que l’auteur semble avoir toujours connu dans toutes ses activités professionnelles et artistiques.

J’ai d’abord connu Olivier Brossard en tant que directeur de la collection nord-américaine des éditions Joca Seria. Il est aussi enseignant-chercheur et traducteur. Il a créé avec Vincent Broqua l’association double change qui établit une passerelle entre la poésie américaine et française. Let est construit en trois parties. La première est construite en écho au Canzoniere de Pétrarque. On y lit une poésie qui se fait échange amoureux, où de multiples autres écritures viennent renforcer le souffle.

La deuxième partie s’intitule « Une question de traduction » et n’est constituée que d’un seul petit poème. Je me suis amusé à imaginer que celui-ci pouvait remplacer à lui tout seul une interview que j’aurais pu faire avec Olivier Brossard au sujet de son activité de traducteur. La troisième partie fait écho à un livre de John Ashbery, Le Serment du Jeu de Paume, qu’Olivier Brossard a traduit et qui est paru dans une autre grande collection de poésie américaine aux éditions Corti. Son écriture s’approche plus implicitement encore de la pratique du tennis. Au final, je me demande comment peut s’apprécier ce livre quand on ne connaît pas le parcours du poète.

La poésie semble ici loin d’être déconnectée puisque l’échange et la traduction sont au cœur à la fois de Let et du travail de son auteur. Mais je ne voudrais pas laisser croire que ce livre ne peut se lire qu’en connaissant Olivier Brossard. Cela incitera au moins à rencontrer son travail autre que poétique et fera découvrir qu’au-delà de la poésie elle-même, se tisse tout un tas de connexion. Olivier Brossard avec ce livre nous permet de ne pas oublier que l’écriture poétique n’est pas qu’une pratique solitaire que l’on se plaît à glorifier. C’est un exercice qui permet de créer du lien, comme n’importe quelle ouverture au monde et notre besoin d’y rajouter de la parole.

Let

Olivier Brossard

éditions P.O.L.

Publié par

Adrien Meignan

Chroniqueur littéraire

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