Porte du soleil Christophe Manon

Je fréquente le travail littéraire de Christophe Manon depuis longtemps. Je l’ai d’ailleurs rencontré en 2010 lors de ma première participation en tant que bénévole au festival Midiminuit poésie. Je ne lisais pas encore de poésie contemporaine et la Maison de la poésie de Nantes allait m’inciter à en lire pour lui donner une place centrale dans ma vie de lecteur. Ce poète est donc un compagnon de lecture dont j’aime suivre les évolutions et les belles épiphanies littéraires en y détectant les évolutions. Porte du soleil vient clore un cycle qui aura été l’un de ses plus intéressants exercices d’écritures publié par les prestigieuses Éditions Verdier. J’ai pris autant de plaisir à lire ce final que le narrateur a souffert en élaborant ce livre.

Christophe Manon a toujours tenté dans le cycle Extrêmes et Lumineux de comprendre le lien avec à ses proches disparus à la manière d’un Sisyphe qui irait se perdre dans un ultime élan vital. Porte du soleil vient conclure ce travail avec beaucoup plus de simplicité. L’échec de cette quête est de plus en plus explicite au fur et à mesure de la lecture. Plutôt que collecter des informations sur la vie des ces ancêtres italiens, Christophe Manon est victime d’un effondrement, plongeant dans l’alcool et la déliquescence. Au travers de ces périples dans les villes italiennes, un mal le ronge et ce n’est pas une quelconque panne d’inspiration ou un accablement face à la difficulté de vivre.

Porte du soleil est le récit d’une révélation qui devrait éclairer les fausses routes qu’a trop souvent emprunté la littérature. On ne peut pas continuer de se plonger dans un passé révolu, chercher constamment à faire parler les morts pour donner du sens au présent. Christophe Manon dévoile dans son calvaire le constat qu’il est nécessaire de puiser dans l’énergie présente pour rendre nos vies désirables. La posture romantique qui voudrait nous faire croire que les anciens ont plus de choses à nous dire que le simple fait d’être présent au monde est fausse. Ce travail lyrique que produit le poète rebat les cartes du lyrisme pour lui redonner une peau neuve.

Je constate que l’écriture de Christophe Manon va de plus en plus à l’essentiel. Il y a de moins en moins dans ces livres de tergiversations stylistiques. La structure des poèmes en vers de Porte du soleil est simple et peut toucher n’importe quel·le lecteurice. Il n’est pas nécessaire de connaître l’origine des citations pour comprendre que ce livre s’inscrit dans une tradition littéraire qui va de La Bible à Dante et Virgile. Ces ombres-ci propulsent l’ensemble des textes dans un geste réunissant avec lui la vision que l’on se fait d’une descente aux enfers. Christophe Manon n’est pas un écrivain qui fait du passé un style de vie.

On pouvait déjà le ressentir dans Provisoires, son précédent recueil de poésie paru aux Éditions Nous. Christophe Manon s’empare de ce qui a été bâti avant dans la littérature pour proposer un rapport au monde bien plus vivant que n’importe quelle pastiche pseudo-romantique ou autre ancien style. Il fait de l’héritage poétique le véhicule pour modeler son message. Nous sommes loin d’un regret réactionnaire qui aurait pour seul but de dénoncer une modernité moribonde. La réalité que vit Christophe Manon est bien plus complexe. Il ne défend que cette vitalité que nous devrions toustes tenir en nous éveiller, malgré le soleil aveuglant et la chaleur trop forte.

Porte du soleil

Christophe Manon

Éditions Verdier

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